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Sandre: Histoire d'un vampire devenu roi !

Reflet d’une couronne dorée enfumée dans l'ombre , symbole du règne silencieux du sandre.
Image libre de droit.

Le sandre..

On l'appelle vampire à cause de ses canines proéminentes et de sa méthode de chasse qui consiste à frapper la tête de ses proies avant de les avaler quand leur corps tombent vers la noirceur des profondeurs..

Mais il fut un temps (pas si lointain..) où l’on jurait que ce poisson buvait le sang des rivières...

Ombre fuyante aux yeux d’ambre, le sandre hantait les eaux, frappant brutalement et sans bruit..


Les anciens disaient à l'époque qu’il tuait pour le plaisir, qu’il vidait les eaux de toute vie, qu’il s’attaquait même à ses semblables.

Un “tueur sanguinaire”, un “fléau des rivières” : c’est ainsi qu’on parlait de lui au bord de l'eau et dans les colonnes jaunies des journaux de pêche.


Né ailleurs, introduit dans nos eaux par la main de l’homme, il portait déjà la marque de l’étranger, du maudit..

Son nom roulait dans les conversations comme une menace. Et à chaque problème que l'on rencontrait sur les cours d'eaux dans lequel il évoluait, on murmurait son nom : le sandre.. C'est de sa faute ! Ce tueur est à éradiquer de nos eaux !


Pourtant, le temps a cette étrange faculté de laver même les crimes qu’il n’a jamais prouvés. Celui qu’on maudissait s’est mué en symbole.

Ce prédateur nocturne, jadis pourchassé, règne désormais en silence sur les profondeurs. Les pêcheurs le traquent avec respect, presque avec dévotion.


On ne le craint plus : on le vénère.


Voici son histoire.

L'histoire d’un poisson né du rejet et de la peur, devenu roi par la grâce de ceux-là mêmes qui voulaient sa tête.

Celle d’un monstre couronné.

Celle d'un poisson dont ont devrait s'inspirer.. Installe toi confortablement, prend un café et détends toi,

voici l'histoire d'un vampire devenu roi !




I. L’INTRUS (1888-1930) - L'arrivée du Sandre dans nos eaux.


Introduction du sandre en Europe de l’Ouest au XIXe siècle, espèce carnassière dans les canaux et rivières françaises.
L’arrivée du sandre dans les eaux occidentales, un étranger qui allait changer l’équilibre des rivières. (source de l'image en cliquant dessus)

La fin du XIXᵉ siècle fut témoin d’un étrange frisson dans les eaux d’Europe de l’Ouest.

D’abord un murmure venu du Rhin, puis des courants plus lents de la Saône et de la Meuse

Un poisson étranger s’y glissait tel un fantôme, long, pâle, les yeux d’or et la gueule armée de crocs.

Il ne fallu pas longtemps pour que les pêcheurs occidentaux ne lui offrent des surnoms peu accueillants : “tueur”, “fléau” et autres adjectifs du style lui furent rapidement crédités.

Son nom roulait comme un grondement et était presque craché quand on le prononçait aux bord de l'eau : le sandre.


Introduit par la main de l’homme dans le Rhin vers 1888, puis dans les grands bassins français et belges entre 1910 et 1930 à des fins sportives, le sandre ne venait pas d'ici.

Il était originaire des plaines orientales, des lacs et fleuves d’Europe centrale, où son ombre n’inspirait ni peur ni fascination.

Mais ici, il devint rapidement autre chose : un symbole de l’étranger mais surtout une bête à abattre.


On murmurait qu’il "vidait les rivières", qu’il "tuaient le poisson blanc avant même la fraie", qu’il "faisait disparaître la friture".

Certains le juraient : “là où passe le sandre, plus rien ne vit !”.

Les bulletins halieutiques de l’époque parlaient d’un “prédateur à éradiquer”, comme si l’on pouvait effacer une ombre avec de la colère. Comme si il fallait corriger une erreur commise par l'homme en l'introduisant.


Et pourtant, ce n’était qu’un poisson...

Un simple poisson, certes, mais né pour chasser !

Et c’est peut-être cette perfection dans la prédation qui effrayait nos aïeuls...


Car dans sa nature même, tout semblait conçu pour déranger !

Un corps fuselé comme une lame, taillé pour fondre sur sa proie avant même qu’elle ne comprenne.

Deux yeux d’ambre, capables de percer les ténèbres là où d’autres poissons s’égarent.

Et surtout : cette gueule puissante, hérissée de crocs, faite pour frapper la tête avant d’avaler.

Rien, dans la silhouette du sandre, ne respirait la douceur.


Dans les années 1900, on le surprend dans les canaux, puis dans les rivières plus vastes.

Les premières pêches rapportent des spécimens impressionnants; les discussions s’enflamment.


Certains disaient juraient qu’il faisait disparaître les gardons, ablettes, rotengles et autres poissons blancs là où il passait.

Les pêcheurs de carnassiers le désignent comme concurrent direct du brochet.

Chacun y va de sa théorie : “Il ne dort jamais”, “Il tue pour le plaisir”, “C’est un vampire”.

Et peu à peu, dans l’imaginaire collectif, ce poisson devient une menace à éradiquer.


La peur s’enracine.


On parle d’un prédateur sans remords, d’un animal “non-naturel” qui n'a pas sa place dans nos eaux et est un véritable danger pour nos écosystème.

Il chasse sans bruit, il frappe sans éclaboussure.

Un démon d’eau douce, discret, méthodique, intelligent..

Bref, presque humain dans sa manière d’agir et ça.. ça dérange...


C’est ainsi que naquit sa légende:

Le sandre ne fut plus seulement un poisson : il devint le symbole d’une erreur humaine, un avertissement flottant entre deux mondes.


Un être trop parfait pour inspirer confiance.



II. LE TUEUR (1930–1970) - L’ombre du sandre s’étend en Europe.


Dans les décennies qui suivirent son introduction, le sandre devint un véritable monstre dans l'imaginaire collectif.

Chaque poisson disparu, chaque baisse de population, chaque bredouille semblait lui être attribué.

On le tenait pour responsable de tout ! (même des maux qu’on ne comprenait pas encore.)


Les revues halieutiques de l’époque multipliaient les avertissements en utilisant des termes révélateurs de ce que l'on pensait de lui :


  • Prédateur à réguler.

  • Poisson destructeur.

  • Espèce étrangère à surveiller.


Le vocabulaire se chargeait d’angoisse au fur et mesure du temps qui passait et que ce poisson s'installait peu à peu dans nos eaux.

Le sandre n’était plus un poisson : il devenait un symbole de désordre, le visage de la faute humaine.

Introduit pour “améliorer” les eaux et offrir un challenge de plus aux pêcheurs, il semblait désormais les corrompre.


En faisant des recherches on peut aussi trouver un terme utilisé pour désigner ce poisson qui mentionne cette corruption: "la peste du Rhin

Certains bassins furent même le théâtre de campagnes d’abattage ! (tiens ça me rappelle quelque chose..)

Sur la Saône, la Loire moyenne, ou quelques retenues françaises où les sandres proliféraient.

On y voyait un prédateur qui “tue pour le plaisir”, un rival du brochet qu’il fallait éliminer pour préserver l’équilibre.


Tableau de chasse halieutique des années 1950, plusieurs brochets suspendus et un possible sandre, symbole de la peur et de la destruction des carnassiers dans les rivières européennes.
Années 50 - “tableau de chasse” typique de l’époque : brochets suspendus, trophées d’un autre temps. Sur la droite on peut y voir ce qui semble être des sandres.. Déjà présent et déjà condamnés.. (source de la photo en cliquant sur l'image)

Cela dit la peur, comme toujours, trouve des appuis dans la science lorsqu’elle cherche à se justifier !


Au fil des années 1960, les premiers rapports biologiques mentionnent un parasite, Bucephalus polymorphus, dont le sandre est manifestement porteur.

Les cyprinidés en seraient les victimes avec pour conséquences: mortalité accrue, baisses locales, inquiétude grandissante.

Il n’en fallait pas plus pour graver dans les esprits l’idée d’un fléau invisible, d’un mal rampant venu des profondeurs.


Et bien entendu grâce à cela, la rumeur prenait vie :


Il ne se contente plus de chasser, il contamine !


Comme si l'animal agissait en toute conscience pour répandre le mal qu'il portait...


L’homme avait besoin d’un monstre pour nommer ce qu’il ne comprenait pas (comme toujours..).

Et le sandre, malgré lui, en prit le masque toujours porteur du surnom de monstre que l'on crachait en le mentionnant.


Son image se figea alors dans cette époque : celle d’un tueur silencieux, froid, méthodique, un prédateur trop parfait pour ne pas faire peur.

Pendant ces années sombres de l'histoire de ce poisson: les légendes prirent racine.

L’ombre du sandre s’étendait.


Et nul ne savait encore qu’elle finirait par se transformer un jour en lumière..

III. LA RÉDEMPTION DU SANDRE (1970–1990) - Le démon devient un défi.


Après des décennies de peur et de méfiance, le regard des pêcheurs changea peu à peu.

Ce qu’ils fuyaient hier, ils se mirent à le chercher.

Le sandre devint petit à petit un secret à percer, un adversaire digne d’être compris !


Les années 1970 marquent l’avènement d’une nouvelle ère : celle de la pêche moderne !

Le matériel se transforme : les cannes s’allègent, les moulinets se précisent, les premiers leurres souples apparaissent dans les boîtes des passionnés.

L’époque du vif immobile s’efface peu à peu devant celle du geste, du contact, de la lecture fine du fond.

C’est l’heure de la traque active ! Du poisson mort manié, des animations lentes, du leurre “vivant” qui imite la proie jusque dans son dernier frémissement !


Du bord: les pêcheurs deviennent de plus en plus mobiles grâce à cet équipement de plus en plus léger : ils l’explorent.

En bateau: Les échosondeurs dévoilent les plateaux, les fosses, les zones d’ombre où le sandre règne en maître.


Et dans cette quête d’invisible, une sensation nouvelle naît :

La touche du sandre... ce frisson infime au bout du fil, ce battement à peine perceptible que seuls les initiés savent reconnaître ou au contraire une frappe foudroyante digne d'un coup de foudre dans les bras !

Un instant suspendu où le prédateur devient présence et auquel beaucoup y développent une forme d'addiction. (encore aujourd'hui d'ailleurs..)


Pêcheur au lever du jour pratiquant la pêche du sandre au leurre, symbole de la réhabilitation du prédateur.
Le démon devient défi. Dans le silence du matin, naît le respect. (Image libre de droits)

Dans les médias du milieu, les mots changent de ton.

On parle désormais d’un poisson technique, discret, exigeant, noble.

Les compétitions de pêche sportive se multiplient, et bientôt, le sandre rejoint le brochet au sommet du panthéon des carnassiers !

Il n’est plus “le vampire venu du Rhin”, mais un véritable trophée : insaisissable, imprévisible et fascinant !


Les plus anciens continuent d’en parler avec prudence, mais les jeunes générations y voient un maître silencieux. Chacun rêve de comprendre son comportement, ses humeurs, son royaume.

Et plus on apprend à le lire, plus le respect à son égard grandit !


Le démon d’hier devient un défi personnel, un miroir dans lequel chaque pêcheur mesure sa propre patience, sa précision, sa capacité à écouter l’eau.

Car pêcher le sandre, désormais, c’est apprendre à se taire, à sentir, à attendre.

C’est abandonner la force pour la finesse, la conquête pour la compréhension.


Le monstre est devenu initiateur.

Et sur les eaux calmes des années 80, quand la ligne frémit au-dessus d’un fond caillouteux,

ce n’est plus de la peur que l'on ressent, mais plutôt une forme d’admiration.

Celle que l’on éprouve face à un roi discret, venu des ténèbres,

qui a su transformer la méfiance en respect !


IV. LA MONTÉE DU SANDRE SUR SON TRÔNE (1990–2025) - Quand le vampire devient roi.


Gros plan sur un sandre trophée, symbole du roi des carnassiers modernes dans les eaux européennes.
Le regard d'un roi. Le monstre d’hier trône désormais dans la lumière.

Celui que l'on maudissait alors règne désormais sur les eaux profondes.

En l’espace de quelques décennies, le sandre est passé du statut de monstre à celui de modèle.

On ne le craint plus, on le convoite !

On ne le fuit plus, on le cherche !

Son nom n’est plus murmuré à la lueur des lampes, mais célébré à la surface des écrans !


Les années 1990 ouvrent l’ère de la précision !

Le pêcheur d’aujourd’hui ne lance plus au hasard : il calcule, observe, analyse !

Chaque dérive est une hypothèse, chaque touche une donnée !

Les plus passionnés notent, comparent, enregistrent et rivière &canaux deviennent petit à petit de véritables laboratoires vivants.


« La pêche du sandre n’est plus affaire de hasard : c’est une quête de précision et d’observation. » - Gaël Even, Pêche & Poissons, 23 octobre 2024

Cette nouvelle génération ne chasse plus le monstre : elle étudie un roi !


Dans la traque du sandre, tout est science, patience et respect.

Le geste s’affine, le contact devient art.

Le “toucher du sandre” n’est plus une légende, c’est une compétence : une vibration subtile que seuls ceux qui apprennent et observent peuvent comprendre.


Puis vient alors la décennie des images !

Les années 2000 marquent l’avènement de l'âge d'or du "no-kill", de la photographie, des compétitions et des partages sur les réseaux sociaux.

Les poissons capturés sont alors mesurés, admirés, puis rendus à leur royaume.

Sur les forums, puis sur les réseaux, le sandre s’impose comme l’icône de la pêche raisonnée, l’un des étendards du respect envers le vivant !

Il incarne l’exigence, la maîtrise et la retenue.

Chaque cliché est un hommage, chaque remise à l’eau un véritable rituel !


Mais toute royauté a son revers...

Le succès engendre la pression : surexploitation des spots, manipulations répétées, dérives du culte du trophée...

Sous la surface, certains rois portent les marques de nos mains trop fières...


Et pourtant, malgré tout, le sandre demeure :

digne, secret, fidèle à son image d’ombre.


Et c’est peut-être là, dans ces mots, que se trouve la vérité de notre époque :

Ce roi-là ne se possède pas, il s’apprend.

Et chaque pêcheur, à sa manière, continue d’en être le sujet loyal en suivant les lois que ce dernier lui impose à chaque session..

V. L’HÉRITAGE DU VAMPIRE - Le monstre couronné


Les rois, dit-on, finissent toujours par porter le poids de leur propre couronne.

Et le sandre, devenu à présent l'un des souverains de nos eaux , n’échappe pas à cette loi.

Né de la peur et couronné par la passion, il s’est imposé comme l’ultime épreuve du pêcheur moderne :celui qu’on ne prend pas par chance, mais qu’on doit mériter.

Mais toute royauté attire son lot d’admirateurs… et de servitudes... Ceci à été partiellement survolé dans le point précédent cependant il est intéressant de revenir dessus l'espace d'un instant..


Le trône du sandre à un prix...


Aujourd’hui, le sandre n’est plus traqué pour être éliminé : il est recherché pour être admiré ! C'est un fait avéré, et quiconque dirait le contraire se retrouverait cloué au pilori sur la place publique. Plus le temps passe et plus sa position de roi prend petit à petit celle d'un dieu vivant.

On le photographie, on le mesure, on le partage avant de le rendre à son royaume. Ce rituel, beau et sincère, traduit l’évolution profonde de notre culture halieutique :le passage du prélèvement à la préservation, du trophée au respect.


Pourtant, même l’amour peut peser. Sous la surface, le sandre subit la pression invisible de notre engouement :sessions répétées, manipulations, stress thermique, mortalité post-photo.


Les études halieutiques le confirment : la chaleur, la durée du combat, la manipulation ou le manque d’oxygène influencent directement sa survie.

Chaque geste compte ; chaque minute hors de l’eau devient alors un choix pour le pêcheur !


Et si en France, la pêche professionnelle accentue localement cette pression, chez nous, en Belgique, le danger est d’un autre ordre : la surfréquentation, les prélèvements mal calibrés, les chaleurs d’été, etc..

Pas de filets chez nous, non, mais une présence constante. Les canaux et rivières où il se trouve se réchauffent, les habitats se déplacent, et les grands sandres deviennent de plus en plus rares.


Un respect du poisson à double visage.


Il serait facile de juger.

Mais ce serait mentir.

Nous faisons tous partie de cette histoire !

Et je ne vais pas me cacher à travers un discours hypocrite accusateur: Moi le premier.

Je publie des photos, je partage mes prises, je montre ces poissons qui m’ont ému.

Je le fais avec sincérité, par respect, pour la beauté du geste. Mais il serait malhonnête de prétendre que ce n’est jamais de trop. Nous avons tous ce moment de fierté, ce besoin de transmettre, cette envie de figer l’instant.


Et c’est là que se joue la vraie nuance ! Le catch and release n’est pas une simple pratique, c’est un art !

Un art dont le no-kill n’est pas le point de départ, mais l’aboutissement !

Quand il est bien pratiqué, il devient une philosophie complète : celle de la maîtrise, du respect, du discernement. Mais comme tout art, il demande humilité et lucidité. Savoir quand poser la canne, quand photographier, quand s’abstenir car c’est aussi cela, la maturité du pêcheur moderne.

Nous avons appris à protéger, mais pas toujours à nous effacer.

Et le sandre, la perche, le brochet et autres carnassiers silencieux que nous traquons avec passion, observent nos contradictions. Il supporte nos élans, nos intentions, nos maladresses et tout ce qui fait de nous des humains avant d’être des pêcheurs.



Le sandre est un symbole d'un équilibre fragile.


Les biologistes parlent de densités, de cycles et d’équilibres.

Nous, au bord de l’eau, nous parlons de respect, de ressenti, d’instinct. Et quelque part, ces deux langages racontent la même chose :le besoin vital de laisser vivre ce qui nous fascine.

Le sandre est plus qu’un poisson.

Il est littérallement devenu le symbole d’une génération de pêcheurs qui a voulu faire mieux que la précédente, qui a troqué le congélateur contre la mémoire, le couteau contre la photo. Mais il nous rappelle aussi que la passion, si belle soit-elle, peut déborder.


L’héritage du vampire de nos eaux, c’est celui d’un équilibre fragile :l’homme a appris à aimer ce qu’il craignait, mais il doit encore apprendre à aimer sans posséder. Sous la surface, le roi veille, discret, insaisissable. Il ne nous juge pas, il nous observe, comme il l’a toujours fait.

Et parfois, quand son ombre s’éloigne lentement dans la pénombre d’une dérive calme, je me dis que le vampire n’a jamais disparu...

Il s’est simplement caché derrière une auréole.

Son ombre n’est plus crainte, mais célébrée.

Et c’est peut-être là, dans cette lumière dorée, que se trouve notre plus belle victoire…et que doit se trouver notre plus grande vigilance.


VI. L’ÉCHO DU SILURE - Un nouveau démon s’éveille


Chaque époque a besoin d’un monstre.

Quand le vampire s’est effacé dans la gloire de son trône, un autre souffle a troublé les eaux.

D’abord une rumeur. Puis une ombre.

Un corps long, nu, sans écailles, glissant sous les reflets cuivre d’un fleuve d’été.


Le silure...


Son nom s’est propagé comme un murmure inquiet.

Certains l’ont vu happer un pigeon au bord du Tarn.

Et comme toujours, la peur s’est nourrie d’images : quelques secondes de vidéo ont suffi à bâtir une légende.

Les “mangeurs d’oiseaux”, les “géants”, les “ogres”, etc.

Et bientôt, on recommença à murmurer les mots d’hier :


Il faut les réguler !.

Ils dévorent tout !

C’est eux le problème !

"C'est des saloperies à devoir éradiquer !"


Mais ce que l’on oublie, c’est que les monstres ne naissent jamais seuls !

Ils apparaissent là où l’équilibre se brise, là où les eaux changent plus vite que nos certitudes !


Sous sa peau lisse et marbrée, le silure n’a rien du démon qu’on décrit.

C’est un opportuniste, un survivant.

Il s’adapte, compense, remplit les vides que nous avons creusés.

Là où les migrateurs ont disparu, il prend leur place.

Là où l’eau s’appauvrit, il prospère sur les restes.

Et quand l’homme détourne les courants, assèche les frayères et ferme les passages,

le silure, lui, continue de nager.


Alors on l’accuse.

On oublie que c’est notre main qui l’a introduit, notre besoin de grandeur qui l’a propagé, nos eaux altérées qui l’ont rendu dominant.

Il n’est pas la cause du déséquilibre : il en est le symptôme vivant.

Le reflet sombre d’une nature qui s’adapte bien mieux que nous !


Sur les rivières françaises, la situation est bien pire pour lui.. La tension s’est enflammée !

Les filets se sont tendus, les débats se sont durcis.

Certains veulent le tuer pour sauver les migrateurs,

d’autres le défendre comme un chef-d’œuvre d’évolution.


Et entre les deux camps, la science tâtonne, nuance, mesure :

dans son ventre, surtout des poissons, parfois des écrevisses, des moules d'eau douces, quelques oiseaux, rarement plus.

Mais le mythe a pris le dessus.

Car la peur aime les chiffres qu’elle invente mieux que ceux qu’elle lit.


En Belgique, les détracteurs du monstre sont plus discrets, mais la légende voyage.

Chaque été, une nouvelle photo d’un silure géant surgit sur les réseaux.

Deux mètres, presque trois mètres parfois.

Les commentaires s’enflamment : fascination et dégoût mêlés.

Et sur les bords de la Meuse ou la Sambre,

La plupart des pêcheurs qui le croisent le savent : il n’a rien de monstrueux.

C’est juste un autre roi, trop grand pour notre imagination.


L’homme a la mémoire courte.


Hier, c’était le sandre qu’on maudissait.

Aujourd’hui, c’est le silure.

Demain, peut-être un autre intrus encore.

Parce qu’au fond, il faut toujours un coupable pour expliquer ce qu’on ne comprend pas,

et un monstre pour justifier notre impuissance.


Le silure dérange parce qu’il nous renvoie à nous-mêmes.

À notre besoin de contrôler ce qui nous échappe.

À notre incapacité à accepter que la nature, parfois, ne nous demande rien:

ni autorisation, ni approbation, ni excuse.


Alors on le pourchasse.

On le caricature.

On lui invente des crimes pour oublier les nôtres.

Et pendant ce temps, les digues se fissurent, les fleuves s’échauffent,

et les vrais drames, invisibles, continuent :

l’eau qui manque, les algues qui s’étendent, la vie qui recule.


Silure glane massacrés en France, illustration de la controverse écologique contemporaine.
Un nouveau démon.. Et son nom, cette fois, résonne d’échos humains. (source image en cliquant sur la photo)

Le vampire d’hier a laissé place au géant d’aujourd’hui.

Le trône a changé de maître, mais la légende demeure.

Et si le silure est devenu le monstre de notre temps,

c’est peut-être parce qu’il est le dernier à nous faire face sans trembler.


Il ne ment pas, lui.

Il ne parle pas.

Il continue simplement à respirer dans un monde qui s’étouffe.


Et quand, à la tombée du jour, son ombre se glisse lentement sous la surface,

on comprend que ce n’est pas le monstre qui revient.

C’est notre peur, toujours la même,

qui change juste de nom.


Les monstres ne disparaissent pas ! Ils changent simplement de visage !


Hier, c’était le sandre. Aujourd’hui, c’est le silure. Demain, ce sera peut-être un autre.

Depuis toujours, on cherche dans l’eau le reflet de nos peurs et l'on appelle “monstre” ce qu’on ne comprend pas.

Le sandre fut notre premier démon moderne, un étranger qu’on voulut chasser avant même de l’avoir observé.

Puis le temps a passé et le monstre s’est fait mythe, puis maître, puis roi et est train de devenir un dieu..

Mais la couronne n’a pas effacé son ombre. Elle l’a simplement rendue plus belle !

Car dans le fond, rien n’a vraiment changé :on continue d’aimer ce qu’on craint, et de craindre ce qu’on aime trop.

Un cycle qui recommence éternellement.


Le silure n’est pas le remplaçant du vampire: il en est son héritier !


Son existence nous rappelle que la nature n’a jamais eu besoin de rois, ni de coupables. Seulement d’équilibre.

Le sandre et le silure nagent côte à côte, comme deux souvenirs d’une même erreur humaine: celle d’avoir cru que la peur pouvait nous donner raison.

Leur histoire, c’est aussi la nôtre.

Celle d’un monde qui cherche encore à comprendre ce qu’il regarde.


Il fut le vampire.

Il devint roi.

Et dans nos esprits, son trône demeure, vacillant entre fascination et oubli.

Sous la surface, le silence se souvient.

Et cet article a été écrit pour te rappeler ce que tu as oublié..


symbole du règne silencieux du sandre. Adrien Théatre. pêcheur Belge 2025
Il fut une bête à abattre et maintenant un véritable roi. Sombre échos d'un passé sanglant..

J’espère que ces lignes t’auront fait réfléchir, ou simplement ressentir quelque chose.

Parce qu’au fond, la pêche, c’est ça aussi : des émotions, des doutes, des ombres et de la lumière.


Si ce texte t’a parlé, laisse-moi un commentaire juste en dessous pour me dire ce que toi, tu en penses.

Partage-le un maximum autour de toi, fais-le voyager, et aide ce message à grandir : celui d’une pêche plus consciente, plus respectueuse, plus vivante !


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Bonne déroule !


Adrien T.



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